L’abécédaire juridique du climat de nos vies expose des outils singuliers pour spéculer, dessiner une justice du futur au présent.
Le 29 et 30 septembre 2022 à Grenoble, Marie Moreau, Sarah Mekdjian, Julie Van Elslande, Léa Busnel se retrouvent et prolongent l'L’abécédaire juridique du climat de nos vies**, qui est à la fois une installation plastique, une étude, un processus en train de se faire.
Avec la participation de l'association ex.C.es, Charles Moreau-Boiteau, Charléric Simon, la Faculté de droit de l'Université Grenoble Alpes, Sabine Lavorel, MCF en droit public à l'UGA, les étudiant.e.s du master droit de l'environnement de l'UGA,
Avec le soutien de la ville de Grenoble, DRAC Auvergne Rhône-Alpes, la Maison de la Création-Université Grenoble Alpes, laboratoire PACTE, Maison Système, Muséum d'histoire naturelle de Grenoble.
L’abécédaire juridique du climat de nos vies expose des outils singuliers pour spéculer, dessiner une justice du futur au présent.
« Avoir le droit », l’expression est bien étrange. « Faire le droit », le « défaire », et le « discuter » sans cesse, l’expression serait plus juste. Quant à rendre justice, cet abécédaire n’y prétend pas. Il ne s’agit pas d’inventer un tribunal fictif, à venir, mais de penser et d’œuvrer ici et maintenant, par les limites et possibles du droit, depuis des cas concrets qui amènent de nouveaux questionnements. Nombre de cas dans cet abécédaire montrent comment des actes non-légalisés ont émergé en réaction à des pratiques légales, mais vécues comme injustes ou illégitimes.
Pour Henry David Thoreau, qui a écrit sur ce qu’il nomma la désobéissance civile, toute personne a légitimement le droit de contrevenir à une loi inique, c’est-à-dire lorsqu’une décision légale produit ou reproduit une injustice. « Enfreignez la loi », enjoint Thoreau, prenant notamment pour exemple le paiement obligatoire de l’impôt par les citoyen·ne·s américain·e·s alors que celui-ci participe à la reproduction de l’esclavage.
La fabrique du droit est intimement liée aux machines politiques, d’État, de l’Union Européenne, ou d’accords internationaux, cette fabrique est politique. Le droit se fabrique aussi depuis les sentiments et les situations d’injustice, depuis des discours et des décisions en procès, c’est-à-dire constamment discutés.
Une stratégie contentieuse consiste à porter devant les tribunaux des cas singuliers qui demandent justice. Ces cas relèvent d’une dimension collective. Là où le droit renvoie souvent à l’individu ou à la somme d’intérêts individuels. Le droit environnemental permet d’envisager une dimension collective, voire commune.
Nous avons rêvé un abécédaire juridique, en cours, nécessairement non-exhaustif, du climat de nos vies.
Il ne s’agit pas d'établir une collection de cas juridiques, mais d’apprendre de gestes singuliers, de stratégies contentieuses, en proposant des lectures par échos et associations de droits.
Que peuvent les procès, comme scènes possibles de dissensus ? Que signifie accéder au droit et aux cours juridiques, judiciaires, sans position d’expertise ? Que pourraient être des usages contestataires du droit, avec, depuis, contre le droit et la loi ?
Un questionnement juridique depuis les contentieux du Bureau des dépositions
Nous reconnaissons là une situation vécue depuis les activités du Bureau des dépositions : agir en prenant appui sur et contre le·s droit·s. Le Bureau des dépositions est un milieu de créations et d'études, bordé par dix personnes co-autrices, co-auteurs, qui se forme et se transforme depuis 2018 à Grenoble.
Nous créons des performances depuis des pratiques langagières improvisées. Les œuvres du Bureau des dépositions sont immatérielles, processuelles, performatives. Elles requièrent notre co-présence pour être créées et activées en public. Alors que ces œuvres sont légalement acquises et que nous cédons nos droits de diffusion contre finances à des institutions, le droit d’asile et le droit des étrangers nous séparent et empêchent la création et l’exposition au public. Plusieurs co-auteurs ont été expulsés contre leur gré pendant que nous créions nos performances, ce qui a interrompu le processus de création et empêché leur diffusion.
En s’adressant les un·es aux autres et à un public, en ré-agençant les (im)-possibilités de paroles depuis la mise à découvert des injustices légalement produites, en préparant des réponses contentieuses possibles, nous élaborons des conditions de trans-formations : langagières, sensibles, politiques, juridiques, et ce en présence et en relation d’un public, dont des agent·es (étudiant·es, juristes) du droit.
Ces performances s’inscrivent dans un héritage esthétique précis : l’art conceptuel, immatériel et corporel.
Il s’agit de différents mouvements de l’art contemporain qui ont émergé dans les années 1950 et 1960, en lien avec les ready made de Marcel Duchamp, dont le premier date de 1909. Les ready made reposent sur l’idée qu’une œuvre est une somme d’agencements produits par la décision de l’artiste depuis des objet industriels, reproductibles, ordinaires, déjà-là. L’artiste (en l’espèce Marcel Duchamp) opère un « choix » depuis ces déjà-là, les agence, compose puis expose. Par le ready made, puis les œuvres du mouvement conceptuel, l’esthétique, l’art, se dotent de nouveaux possibles, les œuvres deviennent des espaces de décisions.
Ces mouvements artistiques introduisent dans l’esthétique contemporaine une nouvelle approche de la propriété (des œuvres), non plus valorisées comme objets marchandisables, mais comme des manifestations processuelles, des expériences, des décisions esthétiques issues de contextes politiques et sociaux « déjà là ».
Répondre des injustices que nous, co-auteurs, co-autrices du Bureau des dépositions, vivons, a éveillé notre attention sur les faisceaux de droits qui saisissent et se saisissent de situations de vies. En cherchant à ne pas nous retirer du droit là où il nous sculpte, où il est agent de nos milieux de créations, d'études et de vies, nous nous sommes intéressées aux pratiques de stratégies contentieuses depuis les requêtes menées par l'association Notre affaire à tous et par le groupe de recherche Forensic Architecture.
Le climat de nos vies
Notre affaire à tous s’engage en justice depuis les questions liées au changement climatique, et la volonté de considérer le droit et les procédures judiciaires comme accessibles à toutes et tous, là où, domaine de « spécialistes » et d’« experts », ils font souvent peur.
Notre affaire à tous, Forensic architecture, le cas des œuvres empêchées du Bureau des dépositions, sont reliés par une approche de stratégies contentieuses, qui déclarent que le droit n'est pas univoque, qu'il s'interprête depuis et dans un milieu.
Les stratégies contentieuses, qui dessinent des pratiques de commoning (les communs comme processus et relations « écologiques », de co-dépendances, de co-élaborations, en contraste avec le rapport exclusif et absolu de propriété), nous donnent du courage. Le droit produit des scènes de vies qui peuvent être toxiques, nocives, mortelles. La vie excède le droit. Mais le droit — qui ne peut être réduit à « des droits à » —peut aussi servir de moyen de transformations.
Ce qui est mis en perspective dans cet abécédaire est le droit sculpté par le droit. La jurisprudence (depuis les cours de justice) et des lois (depuis les cours parlementaires) peuvent contribuer à des transformations du climat de nos vies.
Notre abécédaire expose diverses cours : non seulement les cours de justice, les prétoires, les cours parlementaires (assemblée nationale et Sénat, cours européennes), mais aussi les cours de la vie, la cour de la rue, la cour d’école, la cour des médias, les cours dites buissonnières, qui sont aussi des scènes, des assemblées, parfois des œuvres mêmes. Certaines s’empêchent les unes les autres, d’autres se prolongent, se renforcent. Faire Abécédaire juridique du climat de nos vies vise à prendre compte de la fabrique du droit contre et par d’autres droits, depuis des cours dédiées et des cours ordinaires, prises dans la vie quotidienne.
L’abécédaire exposé n’a pas de fin, il est processuel, il expose des processus-procès en cours. L’abécédaire sera exposé et fera cours encore ailleurs, dans peut être d’autres muséums, peut-être d’autres rues, d’autres palais de justice ou parlements.
Marie Moreau, Sarah Mekdjian, Léa Busnel, Julie Van Elslande
Avec la participation de l'association ex.C.es, Charles Moreau-Boiteau, Charléric Simon, la Faculté de droit de l'Université Grenoble Alpes, Sabine Lavorel, MCF en droit public à l'UGA, les étudiant.e.s du master droit de l'environnement de l'UGA,
Avec le soutien de la ville de Grenoble, DRAC Auvergne Rhône-Alpes, la Maison de la Création-Université Grenoble Alpes, laboratoire PACTE, Maison Système, Muséum d'histoire naturelle de Grenoble.
Contributions
-
Abécédaire juridique du climat de nos vies #2
- Langue : Français
- Plateau radio
- Débat
- Grenoble, France
Plateau radio & Débat pour le programme : Abécédaire juridique du climat de nos vies et…
-
Abécédaire juridique du climat de nos vies #1
- Langue : Français
- Plateau radio
- Débat
- Grenoble, France
Plateau radio & Débat pour le programme : Abécédaire juridique du climat de nos vies et…