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la r22
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Du 22 au 26 avril dernier, s’est déroulée à Paris et en proche banlieue la deuxième session du programme « Distant Islands, Spectral Cities », une recherche initiée par Olivier Marboeuf afin d’explorer et de relire, avec un large éventail d’invité·es et allié·es (auteurices, artistes, activistes, universitaires) les luttes et célébrations, les modes de présence et esthétiques des diasporas caribéennes à Paris et à Londres.
Prenant comme point de départ le bouillonnement des années 80, ce voyage dans l’espace et le temps revisite des filiations discrètes, des alliances fragiles et des lieux oubliés. Par sa méthode collective et chorale qui célèbre l’écho et la répétition, « Distant Islands, Spectral Cities » propose un récit en spirale qui revitalise les évènements passés et pense les archives comme les « précédents » d’une émancipation à venir, comme des contre-récits à pratiquer face à la tornade pacificatrice de la gentrification.Le tissage improvisé de cette cartographie ouvre d’autres chemins où se rencontrent les luttes dispersées de la Caraïbe et les écritures fugitives du graffiti, les violences policières et les puissances du carnaval, les statues coloniales et les monuments fluides des sound systems. Associant conférences et marches urbaines, projections et musique, documentaires sonores et lectures poétiques, ce programme recompose un autre paysage caribéen « en des lieux sans merci », une scène politique du souffle et de la joie, de la ruse et de la résistance.
Tout au long de l’été, nous publions sur la R22 les enregistrements de ces rencontres (en français et en anglais selon les intervenants.) Ce programme contribue au pôle Grande Caraïbe de la Maison des Diasporas.
Plus d’infos sur « Distant Islands, Spectral Cities » : https://www.london.ac.uk/institute-paris/research/distant-islands-spectral-cities
Textes d’Olivier Marboeuf autour de sa recherche :
Entre-tenir une archive de l’émancipation
https://olivier-marboeuf.com/2024/01/30/banister-fletcher-global-fellowship-note-n1-fr-eng/
Une archive à soi
https://olivier-marboeuf.com/2024/03/22/une-archive-a-soi-banister-fletcher-fellowship-note-2-fr-eng/
PROGRAMME
Jour 1
Alors qu’au début des années 60 souffle le vent des indépendances dans les anciennes colonies françaises (et anglaises), l’empire s’accroche à ses « poussières d’îles » dans la Caraïbe et ailleurs. Pacification forcée, répression des luttes et dispersions des peuples visent à couper ces territoires d’un mouvement international et à les conserver dans un isolement doré. Quelles formes surgiront de cet exil européen, quelles traces de cette histoire arrivent jusqu’à nous ?
Partie 1 : Le début d’un lieu de parole
Olivier Marboeuf, Banister Fletcher Global Fellow 2023/2024 (FR)
(introduction d’Anna-Louis Milne et Shela Sheikh, ULIP) (ENG)
Partie 2 : Indépendances contrariées
Françoise Vergès, théoricienne politique (FR)
Samora Curier, créateur de contenu (Le Mwakast) (FR)
https://www.r22.fr/antennes/maison-des-diasporas/grande-caraibes/distant-islands-spectral-cities-2
Partie 3 : Echos d’une histoire dispersée : graffiti, poésie et liyannaj
Shuck One, artiste (FR)
Jay One Ramier, artiste (FR)
Paul-Aimé William, doctorant en histoire de l’art (FR)
Dénètem Touam Bona, philosophe et artiste (FR)
Jour 2
Comment produire une archive depuis des lieux de mémoire fugitifs et fantômes ? Cette deuxième journée est placée sous le signe des pratiques du mouvement et de l’espace urbain, des performances et esthétique de la répétition. Les interventions de cette journée témoignent d’une méthode d’archive qui cherche à rendre compte des productions culturelles de la diaspora caribéenne, mais aussi de leurs conditions de réalisation, de transmission et de leur mutation dans le contexte européen.
Partie 1 : Lieux fantômes du graffiti, devenir de la ville : marche contée
Shuck One & Alper, artistes (FR)
Partie 2 : Archive en mouvement, politique de la répétition
Jean-François Boclé, artiste (FR)
Claire Tancons, curatrice (FR)
William « Lez » Henry, professeur de criminologie et de sociologie (ENG)
Julian Henriques, professeur en Études culturelles (ENG)
Partie 3 : Une poétique des échos (lecture)
Jay Bernard, poète (ENG)
Jour 3
Les statues de grandes figures coloniales et esclavagistes ont vacillé un peu partout dans le sillage du renouveau du mouvement Black Lives Matter de 2020. Les symboles d’une histoire qui ne passe pas et d’une violence qui persiste ont été tagués et peints à la couleur du sang, déboulonnés ou jetés à la mer. Mais la question d’une monumentalité alternative, de contre-monuments, reste encore largement à explorer depuis la perspective afro-caribéenne. Elle est abordée durant cette troisième journée sous l’angle des pratiques vivantes des artistes et des interventions des activistes.
Partie 1 : Conversations urbaines, mémoire et rébellion : du monument Marchand à la statue de Colbert
Françoise Vergès, théoricienne politique (FR)
Franco Lollia, militant, Brigade anti-négrophobie (FR)
Partie 2 : Après les statues : interventions et monumentalité fluide
Franco Lollia, militant (FR)
Adom Philogene Heron, anthropologue (ENG)
Laura Nsengiyumva, artiviste, architecte et chercheuse (FR)
Julian Henriques, professeur en Études culturelles (ENG)
Jour 4
Pour ouvrir cette quatrième journée, Linda Boukhris et Jean-François Boclé proposent une marche en forme d’espace d’expérimentation pour penser les ruptures de la modernité coloniale et les spatialités subalternes à partir des histoires croisées du végétal et du colonial dans le Nord-est parisien.
Au début des années 80, la série de concerts Rock Against Police élargit l’audience des luttes antiracisme et contre les violences policières à Londres mais aussi dans les banlieues de Paris. C’est le fil de cette histoire commune où le concert devient un lieu de convergence politique et d’éducation que nous suivrons durant l’après-midi de cette quatrième journée à partir de fragments d’archives sonores et audiovisuelles. Et plus largement l’histoire des points de contact militants entre le mouvement radical Noir anglais et les combats pour la justice sociale dans les quartiers populaires de France au moment où le reggae et le dub rencontrent les cultures rock et punk.
Partie 1 : Marche urbaine : spatialités subalternes Urban walk
Linda Boukhris, géographe (FR)
Jean-François Boclé, artiste (FR)
Partie 2 : Le concert comme lieu de transmission et de convergence politique
Mogniss Abdallah, militant et fondateur de l’Agence IM’média (FR)
Pierre Vincent Cresceri, documentariste sonore et militant (FR)
William « Lez » Henry, professeur de criminologie et de sociologie (ENG)
Jour 5
Au moment où, en France, quelques années après le Royaume-Uni, l’hyper-visibilité des personnes racisées et des sexualités minoritaires est devenue l’une des stratégies centrales des grandes institutions culturelles et fabrique les nouveaux tokens du marché de l’art, est-il encore possible de défendre des espaces autonomes pour archiver, transmettre et inventer des futurs désirables pour les communautés noires ? Cette dernière matinée traverse et met en partage des expériences diverses aux marges et à l’intérieur des institutions artistiques et académiques. Entre distance et dépendance, infiltration et ruse, se renouvellent les puissances créatrices d’une politique du refus qui s’ancre dans la longue expérience de vies « en pays occupé ».
Partie 1 : Autonomie Noire et institution
Lasseindra Ninja, danseuse et chorégraphe (FR)
Michaëla Danjé, Cases Rebelles (FR)
Partie 2 : écologies urbaines et imaginaire du jardin
Carole Wright, jardinière de quartier et militante pour la justice sociale (ENG)
Malcom Ferdinand, ingénieur en environnement et docteur en science politique (ENG)
Linda Boukhris, géographe (ENG)
« Distant Islands, Spectral Cities » est un programme conçu par Olivier Marboeuf dans le cadre du Banister Fletcher Global Fellowship 2023/2024, une initiative de University of London Institute in Paris avec le soutien du Banister Fletcher Trust.
Animation : Olivier Marboeuf
Prise de son et mixage : Victor Donati