L'invention de Vincennes

C’est l’histoire d’un nom, Vincennes, qui n’est pas qu’un toponyme car l’histoire a quitté son lieu et pourrait même s’est poursuivie ailleurs. C’est un nom décoré aurait-dit Roland Barthes, un nom public, un nom fantasmé, un nom mythologique, le nom d’une expérience, celui d’une invention. Autour de Jacques Neefs, professeur à Johns Hopkins, plusieurs générations d’universitaires, d’écrivains, d’écrivains-universitaires, d’anciens étudiants-écrivains-cinéastes, Tiphaine Samoyault, Vincent Message, Stéphanie Boulard, Elitza Gueorgueiva, qui forment une longue chaîne de transmission courant de 1971 à aujourd’hui puisqu’ils ont tous étudié ou exercé à, attention c’est là que les choses se corsent, Vincennes, Saint-Denis, Vincennes à Saint-Denis, Vincennes-Saint-Denis, Paris 8-Saint-Denis, Paris 8. Quant à moi, je suis (auteur:Lionel Ruffel), il m’est encore arrivé de répondre par l’affirmative hier à quelqu’un qui me demandait si j’enseignais à Vincennes, alors que concrètement je n’y ai jamais fait qu’une dizaine de pique-niques. C’est donc l’histoire de noms superposés qui se cristallisent dans un signifiant magique, Vincennes, qui tout à coup n’évoque plus la commune du Val de Marne limitrophe de Paris, célèbre pour son bois et son château, son parc floral et sa fête du trône, plus tristement célèbre pour son exposition coloniale, son centre de rétention, ses camps de sans domicile fixe. Mais autre chose : une expérience, une invention, l’expérience de l’invention sans cesse recommencée. On y va, on embarque, c’est parti.