La crise écologique que nous traversons apparaît comme la conséquence « naturelle » du régime libéral et frappe à la fois le système économique et les stratégies de connaissance. Ce sont elles qui ont alimenté cette manière spécifique d’utiliser et d’abuser du monde qui caractérise l’Occident. Considérant le capitalisme libéral comme le moment où le système a intensifié la production de déchets et l'accumulation de poisons, ce panel vise à analyser la place des déchets et des dépotoirs dans notre mode de vie actuel à la lueur des pratiques artistiques et de projets initiés par les artistes en lien avec l’environnement.
Bénédicte Ramade : L’ère du poison, pratiques de la toxicité à l’heure de l’Anthropocène.
- Langue : Français
- Conférence
- Columbia Global Centers • Paris
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Alors que les formes artistiques du déchet se sont cristallisées depuis plusieurs décennies sur la sélection, l’indexation et la collection de spécimens d’une part, l’incorporation de matériaux dans des activités de recyclage et de réhabilitation de l’autre, autant de pratiques exposées et commercialisées, l’empoisonnement des sols, de l’eau, de l’air, des organismes, avaient jusqu’ici généré des initiatives tout autres, notamment en raison de la discrétion des éléments toxiques, enterrés ou volatils. Les enquêtes visuelles comme celle menée par Sharon Stewart au Texas à la fin des années 1980 étaient emblématiques d’un positionnement citoyen de l’art, d’un devoir d’alerter populations et pouvoirs publics des dérives industrielles. De même, la recherche de solutions curatives et réhabilitatives dans l’espace public avait pu constituer le dessein d’artistes comme Patricia Johanson. Mais il apparaît à la faveur de plus récentes productions que le poison n’échappe pas pour autant au quasi-fétichisme des objets retrouvés. Ainsi, les pratiques de l’échantillonnage ont, elles aussi, cours, depuis la collecte jusqu’à la conservation de matières plus ou moins nuisibles (Pentecost, Pinsky, Sabraw), enrichissant le cabinet de curiosités de l’Anthropocène et son cortège d’hybrides et de créations monstrueuses.
La toxicité peut aussi donner lieu à une transformation quasi alchimique de matières en objets et représentations. Ainsi, les artistes peuvent réaliser des sculptures afin de matérialiser et de valoriser des processus extractifs périlleux, agréger des particules qui resteraient sinon de l’ordre du discours. Briques de terre, pigments, poteries, ces produits empoisonnés disent leur volonté d’échapper à la condition d’existence statistique et à une visualité documentaire et informative, expressions les plus répandues en matière de toxicité et de résidus polluants. Des expériences et des rapprochements physiques qui vont jusqu’à l’ingestion de produits toxiques, permettraient-elles de ressentir la « carnalité » qui complète chez Elizabeth Povinelli la corporalité, en jouant sur les paramètres du danger corporel et du dégoût ? Cette communication entend interroger ces changements de paradigme et leur lien avec la condition anthropocène actuelle.
Enregistré le jeudi 11 avril 2019 au Columbia Global Center dans le cadre du séminaire Geontopower : Cartographie de la scène européenne de la critique du libéralisme tardif
Olivier Marboeuf & Louis Henderson : Composition et décomposition d’un corps-paysage toxique : résistance, endurance et détours dans le présent-futur d’Haïti
- Langues : Français & Anglais
- Conférence
- Columbia Global Centers • Paris
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Dans un discours de 2018, l’actuel président des États-Unis d’Amérique classait Haïti parmi les « shithole countries », faisant de cet île de la Caraïbe, première République noire indépendante de l’Histoire, un vague espace indésirable et de ses habitants – comme de sa diaspora - une population de nuisibles. Que répondre à cette violence épistémologique qui ne soit pas une manière de légitimer le droit de certains à nommer et à disqualifier, à choisir les corps sains qui auraient le privilège de graviter autour du Corps de référence, forcément blanc et désirable ? Comment refuser cet agenda ? Pour sortir de ce face à face toxique, il convient d’emprunter un autre chemin, de construire une autre histoire où l’on n’accourrait pas au chevet du corps du roi mourant et où la toxicité prendrait la forme d’une parure stratégique et opaque. Imaginer la possibilité d’une résistance, d’une endurance du corps et d’une contemporanéité exprimée par la capacité à (sur)vivre avec une part des legs toxiques du capitalisme colonial - qui est le chemin emprunté par la fable cinématographique Mermaids du Karrabing Film Collective et l’une des idées qu’explore également Elizabeth Povinelli dans son livre Economie of Abondemnent. En Haïti, le legs est à la fois matériel – pollution des côtes et de la nature – mais aussi politico-économique. Il a fait du chaos et de la dette les clefs d’une gouvernance des ruines. Il est enfin culturel si l’on imagine le créole comme une manière de construire sa langue avec et dans la violence coloniale, autant que dans les restes d’une culture déportée, en refusant en quelque sorte le fantasme du retour à un état de pureté.
Dans le film Ouvertures de The Living and the Dead Ensemble, une compagnie de poètes haïtiens recomposent une histoire et un futur possible dans l’environnement toxique de l’île aujourd’hui. Face au récit dominant qui impose son ordre, sa chronologie, ses narrateurs et expulsent les indésirables, le film se refuse à répondre symétriquement : le héros révolutionnaire s’y décompose, et le narrateur laisse place à la cacophonie comme manière de dire et de ressentir le désordre. Le film tremble et défait le temps assumant, son double héritage du côté d’Édouard Glissant et des poètes Spiralistes haïtiens.
Enregistré le jeudi 11 avril 2019 au Columbia Global Center dans le cadre du séminaire Geontopower : Cartographie de la scène européenne de la critique du libéralisme tardif
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Enregistré le jeudi 11 avril 2019 au Columbia Global Center dans le cadre du séminaire Geontopower : Cartographie de la scène européenne de la critique du libéralisme tardif
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