Depuis le XVIIIe siècle, au moyen de l’exploration et de la systématisation, le projet colonial européen a mis en œuvre des mécanisme de construction du savoir qui ont créé ce que Mary Louise Pratt a appelé une « conscience planétaire ». Ce moyen de construire une subjectivité bourgeoise eurocentrique est par la suite allé de pair avec des opérations de « worlding » : des processus violents de fabrication d’un monde, qui ont forcé, selon Gayatri Spivak, les sujets du tiers-monde à se voir eux-mêmes comme « autre ». De nos jours, dans le contexte de modélisation climatique et informatique, la science et ses prétentions universelles continuent d’évoquer le planétaire. Pendant ce temps, la gouvernementalité libérale, dans sa revendication de diversité et de multiculturalisme, capitalise sur la différence, tout en dépossédant simultanément les sujets selon un schéma de classe, race, genre. Quels modes différents de worlding et de de conception du planétaire seraient-ils possible ? Et quel est le rôle de l’imagination face à la confiscation capture globalisante des connaissances ?
Jennifer Gabrys : Devenir planétaire.
- Langue : Français
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- Columbia Global Centers • Paris
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Il est de plus en plus fréquent que le planétaire soit invoqué dans les discussions sur la technologie. La technologie, en particulier informatique, est analysée comme étant à l’ « échelle » du planétaire. La technologie est perçue comme envahissant et dominant le planétaire. On parle du planétaire comme d’une figure prépondérante. Son invocation suggère une domination totale : le déploiement de systèmes gigantesques qui maintiennent la planète et toutes ses entités dans un espace de confiscation totale complète.
Cette vision globale de la Terre a toutefois une longue histoire liée aux modes de contrôle et au colonialisme. La vision détachée et distante de la Terre produit une entité qui pourrait apparemment être organisée – ou programmée. Cette vision totale de la planète suggère une interdépendance complète, mais aussi des formes de contrôle impérial. C'est le produit de la mondialité comme de la science universelle. Une vision totale peut même sembler nécessaire : comme moyen d’organiser le problème du changement climatique, par exemple, pour agir en conséquence.
Cependant, en quoi ces modalités du planétaire réduisent-elles les possibilités de ce que le planétaire est ou pourrait devenir ? Comment pourrait-il être possible, non pas de revoir les prétentions de la mondialité et de la mondialisation par le biais de projets médiatiques planétaires, mais plutôt de commencer à perturber les formes de la totalité et de la régulation afin de prendre en compte le disproportionné, l’injuste et ce qui doit être reconnu ?
Enregistré le jeudi 12 avril 2019 au Columbia Global Center dans le cadre du séminaire Geontopower : Cartographie de la scène européenne de la critique du libéralisme tardif
Shela Sheikh : Le « presque ici » et le « presque maintenant » de la machine à enseigner : penser la planétarité et la traduisibilité à partir de la salle de classe
- Langue : Français
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Face à la violence environnementale toujours croissante – le plus souvent contre des corps racialisés, sexués et paupérisés – comment penser le planétaire depuis l’espace incarné de la salle de classe (dans ce cas, la salle de classe d’une université britannique, au bord de l’isolement nationaliste) ? Comment formuler, enseigner et concrétiser la relation entre le local et le global, articulation cruciale pour les alliances transnationales, en particulier décoloniales, féministes et environnementales – et le faire à partir de la localité de l'université ? Et comment soi-même se positionner parmi les différentes étiquettes – postcoloniale, décoloniale, autochtone, intersectionnelle, etc. – dans le contexte des significations globales changeantes de ces marqueurs, et surtout face à la confiscation capture institutionnelle de ces termes dans une économie de la différence extrêmement rentable ? Partant de l’espace de la salle de classe et prenant congé des « quasi-concepts » du « presque ici » et du « presque maintenant » de (autrice: Elizabeth Povinelli), mobilisés dans Geontologies (2016), je m'appuie sur un grand nombre de penseurs pour poser la question suivante : Quelles sont les ressources proposées par l’idée de « planétarité » ? Et en quoi l'utilisation de ce terme (tel qu’utilisé notamment par Gayatri Spivak, mais aussi invoqué par les humanités environnementales postcoloniales, les nouveaux matérialismes féministes et les féminismes décoloniaux) n’est-il pas suffisant ? Si d’un côté on peut invoquer la « planétarité » pour nous aider à penser l’articulation entre le local et le global, comme une forme de traduction, quelles sont les ressources offertes par l’intraduisibilité, en tant que mode de résistance, et comment, paradoxalement, enseigner un imaginaire planétaire fondé sur le fait de ne pas savoir ?
Enregistré le jeudi 12 avril 2019 au Columbia Global Center dans le cadre du séminaire Geontopower : Cartographie de la scène européenne de la critique du libéralisme tardif
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Enregistré le jeudi 12 avril 2019 au Columbia Global Center dans le cadre du séminaire Geontopower : Cartographie de la scène européenne de la critique du libéralisme tardif
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