Session 3 : Faire-monde : extractions, ressources, rebuts

Contre-intuitive parce qu’inexacte, l’expression « aux quatre coins de la planète », dont on fait usage sans interroger sa géométrie baroque, a au moins le mérite de dérouter et ouvrir d’autres chemins, non pas à explorer, cette (basse) besogne ayant déjà produit son lot de dommages, mais à emprunter, au propre comme au figuré, afin de ne pas ajouter aux ravages des hommes blancs ceux de citoyens du monde autoproclamés qui ratissent le globe de leurs griffes prédatrices.

Qui sont ces étranges créatures qui s’y tiennent, réclamant leur part d’humanité, mais pas seulement, voire plus du tout? Quelle mondialité font-elle frémir ou vibrer? Quelle réparation de leur monde abîmé engagent-elles?

Une cartographie modeste et incomplète, témoignant d’attentions particulières, dont le sens et l’orientation sont encore indécidables, sera esquissée.

Dans les politiques actuelles de perte de biens communs et leur relation avec les politiques renouvelées de dépossession et de privatisation, dans une époque de contre-révolution mondiale où le vocabulaire de la race, du traumatisme et de la victimisation est utilisé pour décrire la vie des hommes blancs se présentant comme des personnalités pour un temps (illusoire) de paix, d'ordre et de progrès, dans une ère de masculinité toxique et de capitalisme racial, je veux me tourner vers l'eau. Cela fait un moment que je reviens encore et encore sur l'importance de l'eau pour une théorie critique depuis le « Sud » et ses diasporas, pour une meilleure compréhension de ce qui constitue maintenant la décolonisation et pour l'émergence d'une théorie de la libération qui dépasse la terre. Bien qu’il soit évident que les étendues d’eau aient joué un rôle central dans l’histoire de l’humanité, mais qu’elles aient également été intégrées à une cartographie occidentale désignées comme océans, mers et rivières, leur utilisation en tant que frontières, limites, sites pour les armées, scientifiques et industries, l'eau est restée absente de la théorie critique depuis le Sud.

Dans cette présentation, Françoise Vergès expliquera pourquoi l’histoire maritime est restée dominée par l’occident et par les hommes, et pourquoi et comment les épistémologies de l’eau des pays du Sud suggèrent un continuum terre / eau qui ouvre la critique de l’Anthropocène racial.

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