Samedi 17 décembre, la r22 a reçu trois étudiants de l’ENSAB (Ecole normale supérieure d'architecture de Bretagne) pour évoquer la notion de la pause. Un sujet auquel ils ont décidé de consacrer une semaine de workshop en Février.
Une pause, c’est une pause - de quelque chose. C’est une durée intermédiaire entre deux temps. L’espace tampon,le vestibule, la transition entre le dehors et le dedans.
Les plus courtes durent le temps d’un café (ou d’une cigarette) entre deux réunions, lorsque les langues se délient au détour d’une discussion informelle.
Élise nous parle à ce propos de la première gorgée de bière, que l’écrivain Philippe Delerm décrit comme l’un des trente-quatre « plaisirs minuscules » qui donnent du relief à nos vies. Pour Elise, la pause passe par ces minuscules plaisirs. Ces madeleines Proust qui nous permettent de « prendre le temps d’observer et de ressentir ».
Il existe parfois une pression sur ces moments-là, il ne faudrait pas qu’elles soient trop longues. Dans notre société actuelle, la pause n’a pas sa place. Le monde va vite, toujours plus vite en laissant derrière les plus lents, tombés au front de la performance, burn out et démission. La nature elle-même n’arrive plus à suivre notre rythme effréné.
À l’échelle de l’école, ce rythme effréné se répercute aussi lors des études : il est familier chez les étudiants de parler de la « culture de la charrette », ces périodes de travail intensif où la productivité doit être à son apogée. À l’école ou en dehors, on ne calcule plus, on accumule. Surtout, repousser le repos.
Le repos est même effacé de l’Histoire. Le bruit incessant de la guerre résonne dans nos oreilles, sans que l’on se souvienne que la guerre est aussi le temps de la pause. On voudrait à peine croire que, sortis de tous les fronts, les soldats de la Première Guerre mondiale, mirent le temps du conflit en suspension pour fraterniser avec leurs ennemis, au petit matin du 25 décembre.
Alors, on s’en veut parfois de s’arrêter. De reprendre son souffle avant d’avancer. Lucile nous invite à ne pas se laisser abattre par ce sentiment de culpabilité. Cessons de refuser de prendre le temps car « la pause est nécessaire ». Elle nous permet de « prendre du recul ». De « se découvrir » dans le tumulte du monde.
Et pour ceux et celles qui rejettent la pause car elle serait le temps du vide, qu’ils ou elles ne se leurrent pas. Ayons en tête les mots de Martin, pour qui la pause, « ce n’est pas tout le temps ne rien faire ». C’est aussi suspendre la continuité de nos existences par de petits gestes du quotidien. A ce propos, Martin évoque le ménage en citant Mona Chollet. Pour l’autrice, faire le ménage, c’est se mettre en « retrait par rapport à la vie quotidienne ».
Des pauses plus longues se font désirer, des pauses qui peuvent durer des mois entiers, des années sabbatiques ou de césure. Des temps de recueillement où l’on accueille la lenteur, où l’on met en retrait la productivité et la performance.
Enregistré le 16 décembre 2022 à Transcanal par Loriane Kunsendi dans le cadre des plateaux du Tout-Monde et du workshop annuel des étudiants de l'ENSAB Rennes.
Mixage : Victor Donati
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