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Soucieuce de se pencher sur les questions raciales et décoloniales sans omettre l’expression des subjectivités et des solidarités, la R22 a lancé (Dé)Pigmentées : un projet d’expérimentation culturelle et sociale, dont le but est de permettre à treize femmes afro-descendantes de s’interroger, ensemble, sur leur rapport à la pigmentation.
Ce sont dans les locaux de TransCanal, à Rennes, qu’elles se réunissent en non-mixité depuis février 2023. Ensemble, elles déplient, à travers une série d’ateliers, une réflexion sur le colorisme. Sur les traitements différentiels auxquels elles sont confrontées du fait de leur couleur de peau. Des normes qui font surgir les vestiges de l’histoire coloniale en associant la noirceur au versant négatif de la blanchité.
Déjà au XIIème siècle, aux Antilles, si les enfants issus du métissage n’étaient pas exempts du statut d’esclave dans le Code Noir, ils jouissaient de privilèges auxquels ceux à la peau plus foncée ne pouvaient pas jouir. Aujourd’hui, les traumas laissés par l’histoire esclavagiste se manifestent, au sein des communautés afro-descendantes, par l’acte de se faire dépigmenter la peau. De volontairement éclaircir sa peau. C’est en partant d’une réflexion autour de cette pratique largement répandue, que les femmes qui portent le projet (Dé)pigmentées, tentent de bâtir, dans la sororité, un récit qui leur est propre. En s’appuyant sur des formes d’expression multiples, aussi bien corporels, écrits, oraux que visuels, elles se demandent : quelles-sont les raisons qui ont poussé certaines d’entre nous à volontairement se blanchir la peau ? Comment la hiérarchisation de la couleur s’est-elle immiscée dans nos interactions sociales ?
Cette aventure, qui se déploie sur trois mois, leur permettra de mener une performance déambulatoire dans le cadre du festival Rennes au Pluriel, le 18 mai 2023, à Rennes. Rythmée par leurs corps en mouvement, le collage et le placardage d’affiches, ce parcours leur permettra, aux côtés de leurs alliées, de laisser leurs témoignages et revendications se manifester dans l’espace public. De se livrer à une expérience collective propice à l’empowerment et la réappropriation de leurs corps.
Comme il nous a semblé important de créer un espace dans lequel l’expression de ces vécus puisse se manifester sans être assujettie à une quelconque forme de réappropriation, cette déambulation aboutira à une restitution radiophonique. Rendue publique dans les locaux de la R22, ce plateau leur permettra d’exprimer, d’une voix qui leur est propre, leurs ressentis face à l’expérience vécue. De revenir sur les extraits sonores réalisés pendant les ateliers et la performance finale aux côtés des femmes qui les auront accompagné tout au long du projet : l’historienne Maboula Soumahoro, la poétesse rennaise Debb’o, la chorégraphe Filsan Sandrine, la formatrice Aurélia Rodriguez, la photographe et réalisatrice Néhémie Lemal, et l’initiatrice du projet, Loriane Kunsendi.